Lauranne

Performance

Boissise Le Roi

"(Pro)Création"

"(Pro)Création".L'artiste s'engendre elle-même. Bâche plastique, peinture acrylique, drap blanc.

30 juillet 1995

J’ai déroulé une longue bande de papier blanc à travers toute la salle, d’un bout à l’autre.

Je peignais dessus une grande silhouette féminoïde, qui prenait forme au fur et à mesure que j’avançais en déroulant le papier…

Parce que mon chemin dessine aussi celui de (des) la personne(s) qui m’a créé, et peut-être même dans ce but ; pour se continuer, quoi… L’image de la femme, c’est une métaphore de la (pro)création. Je sais bien qu’on se reproduit à deux ! Mais, primairement, c’est la femme qu’on voit accoucher, générer un autre humain. C’est ce qu’on voit, finalement. C’est pour ça que c’est une image.

Mon parcours, donc, est aussi la signature, la trace de ma mère (de mes parents), la marque d’un créateur, ses legs au monde.

Moi, au départ, je n’ai rien demandé.

 

Peindre sur un long rouleau de papier... Atelier du Peintre Nato, "7 ter" à Orgenoy (Boissise le Roi)

Je fais avec. Avec ce que je n’ai pas demandé. Je me dois d’accepter ce contrat unilatéral, sous peine de mort. Je signe avec mon sang.

Et mon sang, ma chair, moi, c’est la peinture, la toile.

La marque que je laisse sur la toile.

Je la baise, la toile. Je la pourfends. Je griffe sle futur. Parce que je ne vois pas très bien ce que je pourrais faire d’autre…

Ensuite, inondée de peinture rouge, j’ai rampé sur cette mer (mère ? ) de glace. Mon parcours a déchiré le papier. Un peu comme de traces de roues, ou de ski. Parce que ce papier est très « mou », très soluble.

 

 

Normalement, j’aurais dû utiliser du sang de porc. C’était mieux. Parce que ça renforce l’idée de « sale » (c’est parfois une insulte, d’être un cochon ! ), et parce que c’est du sang. Ca a donc la couleur du sang ( presque noir, en fait. Celui que je désirais est vendu en pot d’un litre, coagulé, ou presque. Un rubis ! ).

Le sang, c’est à la fois la vie ( les vivants saignent ) et la mort. Ce sang, ça aurait pu être le sang coagulé des règles, presque noir et un peu nauséabond.

Du sang pourri. Mais ça veut dire qu’on peut refiler la vie. Qu’on a le droit de vie ou de mort…

Ensuite, je me suis recouverte de ce papier . Je me suis traînée dessus. Mon œuvre à moi, c’est le papier, c’est la toile. C’est mon chemin dans la vie (dans la mort ).

 

 

Enroulée dans le papier, je l’ai laissé fondre sur mon corps.

C’était devenu une masse étrange, insaisissable, qui fuyait sous mes doigts. Le poids du liquide déchirait la feuille dès que je la soulevais. Elle se délitait au moindre mouvement. Il me fallait renoncer à la projection plane ; traverser le rideau. Sortir du système.

Ensuite, j’ai pu modeler ce que je voulais. Un gros têtard rose est né entre mes doigts, entre mes cuisses aussi.

Je l’ai présenté à la foule des spectateurs.

A chacun son phallus, puisque, n’est-ce pas, nul n’est censé en être dépourvu.

Ils n’ont pas vraiment voulu l’approcher ; de peur de se salir, sans doute…

Ah, si cela avait été du sang au lieu de peinture, ce qui imbibait le papier, ça aurait été pire, ils auraient hurlé ? Mais c’est bien plus facile à laver pourtant (quoiqu’en disent les pubs ! ) : un peu d’eau froide et de savon, et zou !

Combien de culottes et de slips nous avons tâché depuis la puberté !

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